Texte de Valérie Pichet
Du plus loin que je me souvienne, je n’ai jamais eu de talent avec la gestion de ma personne. Je voulais tellement me gérer, tenter de tout contrôler autour de moi, que ça en est devenu obsessif. Je n’arrivais plus à me laisser aller, parce que j’ai toujours essayé fort de me tenir en cage.
Je ne me faisais pas confiance, mais comme j’étais toujours bien entourée, je me sentais en sécurité. La gestion de ma personne reposait sur les épaules des autres.
Jusqu’au jour où je n’ai plus eu personne sur qui me fier.
Jusqu’au jour où j’ai pris la décision de vivre seule pour de bon.
VOULOIR ÊTRE SEULE… À TOUT PRIX
Ne plus dépendre de personne est devenue ma drogue.
Je ne sais pas ce que j’essayais de prouver au juste, mais j’étais convaincue que c’était la bonne chose à faire.
Tellement que j’éloignais volontairement les gens qui essayaient de trop s’approcher. Je fermais la porte aux gens qui voulaient mon bien parce que j’étais certaine d’arriver à tout faire seule.
Mais on finit par blesser beaucoup de gens à vouloir les tenir trop éloigner. Puis, quand ils se rendent compte qu’on ne veut rien savoir de leur aide, ils finissent par s’éloigner pour de bon – ce que je ne voulais pas non plus nécessairement. Et ça j’en suis consciente aujourd’hui.
La vraie réponse est que c’est important d’être entouré et que c’est impossible d’arriver à tout faire seule.
Surtout quand tu débordes de projets comme moi.
Alors c’est le temps de cesser de me mentir.
Car je n’y arriverai pas toute seule de toute façon.

IL Y A AUSSI CELLE QUE JE N’AI PAS INVITÉE…
Ce qui m’amène à te parler d’une rencontre qui a changé ma vie. Une « personne » qui a, par je ne sais quel moyen, réussi à traverser la barricade que j’avais construite autour de moi.
Elle est devenue une de mes bonnes chums de fille, si je peux dire…
Une amie qui, je dirais, est assez envahissante. À trop vouloir la gérer, à trop essayer de la tenir loin de moi, j’en ai même parfois perdu le contrôle.
Maintenant, pour éviter les dépenses d’énergie inutiles, je la laisse venir et repartir quand bon lui semble – pas pire amie tu me diras…
Elle me dérange un peu, mais je ne veux rien entreprendre pour la contrôler. Elle peut faire ce qu’elle veut avec moi… Même qu’il y a des moments où elle prend toute mon attention. Ma porte lui est quand même toujours ouverte. Elle est rarement accueillie à bras ouverts, mais parfois je me retourne et elle est juste là, bien installée à la table de la cuisine… Et c’est bizarre, car quand elle est là, il y a comme de la brume dans l’air. Sa présence m’engourdit, littéralement.
MAIS ELLE ME POUSSE AUSSI À ME DÉPASSER
Je dois te dire que je vis une relation amour/haine avec cette amie de longue date…
Cette amie que j’appelle aussi Anxiété.
Pourtant, on est proche que depuis quelque temps. Elle trouve des failles dans ma muraille de protection. Depuis que je tente de tout faire seule, elle est cette amie fidèle qui m’accompagne lors de mes nuits d’insomnie et de mes moments de surcharge au travail.
J’ai l’air de parler contre elle, mais rassure-toi, Anxiété est aussi cette amie un peu énervante qui me pousse à dépasser mes limites. Elle laisse entrer des parcelles de lumière dans ma forteresse et me fait réaliser que de m’éloigner de l’extérieur n’est sans doute pas la bonne solution pour arriver à me gérer.
Anxiété me tire vers le haut avec la force qu’il me manque dans mes moments d’angoisse. En fait, j’ai appris à vivre avec ses défauts, mais j’ai reconnu, au fil des derniers mois, ses nombreuses qualités.
Je peux dire que mon amie Anxiété a fait de moi une femme plus forte au quotidien. Elle me fait réaliser que oui, je peux y arriver seule, mais que ce n’est pas nécessaire de le faire.
Grâce à elle, je peux réussir de grandes choses. Elle sait me démontrer tous les côtés de la médaille avant de prendre une décision précipitée.
Il est impossible qu’Anxiété disparaisse complètement de ma vie. Elle fait partie de ces amis qui font que tes journées ont toutes une couleur différente les unes des autres.
On a eu nos hauts et nos bas et j’ai appris à vivre avec, quand la gérer est impossible. Le plus difficile est de savoir le moment de son arrivée, car elle ne s’annonce jamais à l’avance.
PUIS IL Y A CET APPEL DE LA LIBERTÉ
Je sais que bientôt, je devrai m’ouvrir à nouveau au monde extérieur et cesser de me refermer sur moi-même. Ça m’angoisse de ne pas savoir quand, ça me tourmente de ne pas arriver à contrôler cet aspect de ma vie.
Je ne suis juste pas rendue là encore, j’imagine.
Te rends-tu compte qu’en essayant d’éteindre la douleur, j’ai juste endormi les symptômes temporairement?… Car j’avais si peur d’y faire face. Mais il est temps de sauter cette clôture. Car je la longe depuis si longtemps, que je ne me souviens plus du goût qu’a la liberté.
Je croyais qu’être entourée de gens était une prison, mais j’ai eu tort et je le sais maintenant.
Les murs de la solitude, je les ai dressés moi-même. J’ai moi-même construit cet endroit sombre où j’accueille encore mon amie Anxiété.
Aujourd’hui, il est grand temps de faire face à ce monde, à cette liberté. Et peut-être que mon envie de tout contrôler s’atténuera enfin, qui sait?
